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Manu Hagmanns CHOICE / Carte Blanche à Manu Hagmann

image © Gerald Langer

Après plus de dix ans d'expériences diverses et de démarches denses comme contrebassiste sideman et sous l'impulsion bien sentie de la commission de programmation de l'AMR qui lui a offert cette carte blanche, Emmanuel dit Manu Hagmann est visiblement heureux et très motivé (car ce diable d'homme n'a jamais accepté souffrir les demi-mesures) heureux oui & sacrément trampoliné de proposer un projet original. Il entend bien goulûment pétrir à pleines pattes la pâte et mélanger certains aspects et influences de sa large culture musicale a travers une formule instrumentale et des compositions et arrangements inédits. Toujours attaché fortement, d'une part au rythme et d'autre part à la magie profonde de la mélodie et de l'harmonisation, il a souhaité faire se rencontrer par exemple le contrepoint et la finesse du Gerry Mulligan Quartet, le soul et le blues des Jazz Messengers et le son puissant terrien d'une section rythmique ré duite à la contrebasse et aux tambours tout vivants sortis de lla tradition afro-cubaine. Sans rien voler à personne. Y allant juste du muscle de ses propres ailes. Il décide également de composer et d'arranger la quasi intégralité de la musique, en essayant de trouver le plus bel équilibre entre ces différents éléments, sans hésiter à se délecter des bonnes vielles recettes mais tout en essayant d'y apporter à chaque fois un grand petit quelque chose de nouveau, comme notamment certains concepts rythmiques plus contemporains. Pour incarner ce mélange aux multiples vertus, Manu Hagmann a réuni autour de lui une « dream team » composée de quatre musiciens passionnés et empreints de cette « soul », de cette âme puissante & ravagée qu'il affectionne : Jeff Baud, trompetiste acro bate, d'école « lee morganienne », pédagogue et arrangeur hors-pair. Ganesh Geymeier, saxophoniste organique et caméléon sincère de puissance audacieuse & redoutable. René Mosele, tromboniste groovy dont la coulisse ardente est sans frontière. Edwin Sanz enfin, subtil dresseur de congas sauvages dès sa naissance & passeur têtu de tradition.̀ 

Pourquoi « CHOICE » ? 
Agé de maintenant 35 ans, je suis arrivé – écrit-il – à un point de ma vie ou il faut faire de véritables choix, aux plans professionnel et personnel, et c'est pour moi une discipline particulièrement difficile et que j'ai, incons ciemment mais soigneusement éludée jusque là. Cela fait très longtemps que sommeille en moi le désir de monter mon propre projet et d'en é crire la musique. J'ai plusieurs idées, trop d'idées, trop d'envies et, additionné à mon activité intensive de sideman, je ne suis jusqu'alors pas parvenu à choisir volontairement de dégager le temps nécessaire à initier concrètement de tels projets. Cette opportunité de carte blanche qui m'a été offerte par l'AMR a été le déclancheur pour me lancer et je me suis retrouve alors à devoir faire des choix : Quelle musique ? Quelle instrumentation ? Avec qui ? CHOICE c'est donc mon choix du moment. Cela fait longtemps que je voulais faire quelque chose de fort avec Jeff et Edwin et puis lorsque je me suis fixé́ sur l'instrumentation, Ganesh et René se sont imposés alors à moi. Pour ce qui est de l'esthétique et des choix musicaux, je cherche à fusionner des ingrétique et des choix musicaux, je cherche à fusionner des ingréjeune balbuzard, ce bouffeur de poissons vivants, ce planeur à grandes ailes qui jamais intelligemment n'aura fini d'en découdre avec la vivante chaleur, avec l'immense pulsation (c'est essentiel) de ses boyaux tordus, ce partisan des secousses à fortes cordes profondes car la contrebasse est un arbre au torse aussi vaste que l'immense lente poussée du baobab, car la contrebasse est un instrument plus violent, plus raide que le violoncelle mais aussi léger que la bride laissée libre de soie pure à l'encolure caressante toute osée de la lune. A partir de là tu fais gaffe bien sûr et délicatement tu devances à la pressée, au vibrement des dix doigts sur les pulsantes cordes ce que tu tentes. Car il s'agit de résonance au bois brûlé des dieux. Car il s'agit de pincées, car il s'agit de tensions, car il s'agit de hurlement guttural que tu ne peux foutre qu'aux dix doigts, car il s'agit comme par la vie de zigzags en feu & de saintes déchirures, car il s'agit comme par la vie d'inimaginables soupirs profonds & d'impeccables soudures, bref au profond, la peau risquée de l'arc-en-ciel. 

Je l'ai rencontré ce pur musicien-là, l'autre jour sur les calendriers marqué 25 décembre sous l'un des quatre immenses platanes à peau de léopards nus à Genève, juste avant le phare tout blanc au bout de la Jetée des Bains des Pâquis. Il m'a parlé un peu de ses chemins. Il m'a dit que ses deux grands-pères étaient d'immenses techniciens. Il m'a dit le large canapé vivant où il s'enfonçait solo comme un gamin ardent pour entendre longuement les jams à la maison de son papa souffleur, de son papa dresseur de saxophones & clarinettes et ses immenses copains libres qui sonnaient du jazz. Il m'a dit aussi qu'il a vécu chez des réparateurs, chez des facteurs d'instruments là sous les arbres je vous le jure à peau de léopards. Il m'a dit qu'enfant il a failli tombé dans une trompette mais qu'il a dit non. Il m'a dit ses études abouties de micro-technicien. Et ses quatre ans tout entiers par une école en plein Berne. La Swiss Jazz School. Sideman de sidecars qui sont, comme le groupe Orioxy d'immenses vrais carrosses. Innombrables confrontations & vivantes expériences, à pratiquer cette folle science que les sons graves au monde immense sont fondamentaux. Il est de ces ingénieurs ultra-sensibles. Il est de ces gens rares qui boivent au goulot l'eau toute osée de la vibrante fontaine.


Jean Firmann
Viva la Musica no 365 / jan. 2016

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www.manusound.net